Edith Deléage-Perstunski

professeure de philosophie et membre de Lire C’est Vivre

J’ai été conviée dans le cadre de la préparation du séminaire de philosophie dédié à Pierre Bourdieu pour intervenir dans le cercle de lecture du D3 sur le sociologue Pierre Bourdieu. J’ai proposé de présenter les analyses de ce sociologue contemporain notamment sur la question de la reproduction sociale par l’École et par les institutions culturelles. Le problème philosophique impliqué par les travaux menés par Pierre Bourdieu et ses chercheurs sociologues est : Sommes-nous déterminés par notre milieu socio-économique dans notre parcours scolaire, dans nos choix professionnels et dans nos goûts ? A partir de là que signifie « détermination sociale » ? Quelle est la relation entre déterminations et déterminisme ? Et entre déterminations et liberté individuelle ? Ce à
partir des textes sélectionnés dans le florilège.
L’habitude – productrice de réflexions – est que les participants au cercle de lecture lisent des textes. Ainsi il y eut d’abord lecture par les participants des textes et statistiques extraits des Héritiers. L’inégale représentation des classes sociales dans l’enseignement supérieur étudiée dans les années 1970 est confirmée par le deuxième rapport de l’Observatoire des inégalités (Le Monde 3005/2017). Ce qui a entraîné une discussion entre certains participants sur leur propre parcours et la possibilité de souligner que le «privilège social » (l’héritage culturel) est souvent transformé en « don » ou en « mérite » individuel.
Un questionnement a alors débuté chez les participants sur « l’inné » et « l’acquis » de manière diverse et parfois conflictuelle et sur la possibilité d’introduire le concept de « capital culturel».

Nous avons ensuite lu un extrait de la Misère du monde. Le questionnement a été orienté vers les réformes de l’école publique pour réduire les inégalités sociales. Un participant a alors posé la question de la différence entre école publique et écoles « alternatives » en France et à l’étranger.
Le texte suivant, L’Amour de l’art a posé la question des déterminations du goût et de la fréquentation des œuvres d’art.
J’ai voulu ensuite introduire des remarques critiques pour nuancer le point de vue de Pierre Bourdieu, en m’appuyant sur ma propre expérience, mon parcours scolaire et professionnel, mes « origines » et sur le travail de Chantal Jacquet. Cette philosophe et psychanalyste a proposé le concept de « transclasse » pour comprendre les mécanismes complexes du devenir individuel.
Les participants ont manifesté un fort intérêt : 9 personnes sur les 12 que comptait le groupe ont parlé et questionné. C’est par la lecture d’un poème lu par tous les participants, à tour de rôle, que s’est terminée cette après-midi philosophique très stimulante.

Quelques titres de Pierre Bourdieu :

Les Héritiers. Les étudiants et la culture , Editions de Minuit, 1964.
La reproduction. Eléments pour une théorie du système d’enseignement, Editions de Minuit, 1970.
L’amour de l’art. Les musées d’art européens et leur public, Editions de Minuit, 1985.

La Misère du monde, Points, 2015 (nouvelle édition).
Esquisse pour une auto analyse, Raisons d’agir, 2004.

JAQUET Chantal, La fabrique des transclasses, PUF, 2018.